Redonner confiance au citoyen dans notre agriculture. Tel est le souci majeur de l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W). Entretien avec Marianne Streel, Présidente du conseil d’administration et de la Fédération wallonne de l’agriculture ; Philippe Mattart, Directeur général ; et Gerald Watelet, Ambassadeur des produits locaux.
Texte : Philippe Van Lil – Photos : Kris Van Exel
Quel est le défi majeur actuel pour l’agriculture wallonne ?
Philippe Mattart : « Il est de soutenir le revenu des exploitants, notamment en restaurant la confiance entre les citoyens et les agriculteurs. L’enjeu est singulièrement économique, car de nombreuses personnes vivent de ce secteur : 12 000 exploitations, des familles, des travailleurs ainsi qu’en aval, tout le secteur agro-alimentaire. Un autre défi est de pérenniser les superficies agricoles, lesquelles occupent la moitié du territoire wallon. »
Marianne Streel : « Notre mission est donc aussi de sensibiliser le grand public sur nos pratiques agricoles et nos produits wallons. Nous le faisons régulièrement via des campagnes dans les médias et sur les réseaux sociaux, notamment pour montrer que les agriculteurs travaillent de manière ‘durable’. En juillet dernier, la campagne ‘#Jecuisinelocal, durable et de saison’ a été lancée avec pour but d’expliquer au consommateur en quoi il est bénéfique de recourir aux produits agricoles wallons dans notre alimentation. À la mi-février, 5 000 personnes s’étaient engagées à cuisiner local en signant la charte associée à ce hashtag. »
Quel rôle joue l’ambassadeur à cet égard ?
Gerald Watelet : « Nous ‘portons la bonne parole’ en allant vanter ces fameux produits auprès des gens. Julien Lapraille, Éric Boschman ou moi-même, qui avons tous fait l’école hôtelière, fournissons aussi une caution de qualité. En tant qu’ambassadeurs, nous essayons non seulement d’apporter un anoblissement aux produits, mais aussi d’expliquer aux gens qu’il ne faut pas croire que manger des fraises ou des tomates au mois de décembre est quelque chose de luxueux… Cela n’a tout simplement ni queue ni tête ! »
Faut-il parfois rééduquer le public à de bonnes pratiques en matière d’alimentation ?
G. W. : « J’ai grandi à la campagne avec des grands-parents fermiers. Il ne nous serait jamais venu à l’esprit de manger des produits qui n’étaient pas de saison. Tout simplement parce qu’il n’y avait rien d’autre ! Il faut être conscient qu’en hiver, les fraises et les tomates présentes sur nos étals ont voyagé en avion et que c’est très mauvais pour l’environnement. Et puis, aussi, manger local et de saison, c’est ingurgiter des produits dont on connaît la provenance et recréer du lien social entre les gens, entre producteurs et consommateurs. »
Privilégier les produits locaux, c’est soutenir le développement économique du secteur de l’agriculture, tout en protégeant notre environnement.
M. S. : « Nous sensibilisons aussi le public à privilégier une assiette équilibrée. Le citoyen dit qu’il veut manger local, mais on voit aussi apparaître des tendances où l’on veut manger sans viande, sans gluten, sans OGM, avec zéro résidu de produits phytosanitaires, etc. Il est essentiel de rappeler qu’une assiette équilibrée doit être composée d’une moitié de légumes, d’un quart de protéines et d’un quart de féculents, et que nos produits wallons peuvent parfaitement répondre à cette demande. »
P. M. : « Céder à la tentation de l’exotisme fait courir des risques à la fois à notre environnement et à notre cadre de vie. Privilégier les produits locaux, c’est soutenir le développement économique du secteur de l’agriculture, tout en protégeant notre environnement. Pour être un véritable acteur en ce domaine, le consommateur doit pouvoir opérer des choix de produits en fonction de ce qu’il lit sur les étiquettes et de son sens critique. L’Apaq-W développe donc une stratégie de service public à destination de deux types d’usagers : l’agriculteur que nous voulons soutenir et le consommateur que nous voulons aider à se responsabiliser. »