De gauche à droite : Frederik Verhelst, Antoine Grégoire, Jean-Marc Spronck (Lhoist), Baptiste Cowez, Rober Martin (Fluxys) et Vincent Flon, ainsi que les blocs CO2ncrEAT.
Lhoist, Orbix, Prefer et Fluxys, quatre acteurs de l’économie belge, lancent un projet ambitieux pour aider à décarboner l’industrie en Wallonie et proposer une solution pérenne au secteur de la construction.
Texte: Olivier Clinckart
Lhoist est spécialisée dans la production et la vente de produits à base de minéraux, chaux calcique et dolomie, sur son site Dumont-Wautier à Hermalle-sous-Huy. Orbix développe et commercialise des matériaux et des technologies durables pour le secteur de la construction et de la sidérurgie. Prefer conçoit, produit et commercialise des éléments en béton préfabriqués. Enfin, Fluxys est le transporteur de gaz en Belgique.
Leur point commun? Ces quatre entreprises combinent leur expertise respective autour du projet innovant CO2ncrEAT, le bloc qui mange du CO2, dont l’objectif est de supporter l’industrie en Wallonie à se décarboner, en proposant une solution pérenne au secteur de la construction. Et ce, en offrant aux professionnels de la construction des éléments préfabriqués tels que blocs de maçonnerie, bordures, et produits similaires qui ont comme caractéristique majeure de bénéficier d’une empreinte carbone négative.
Valoriser le CO2 comme matière première
« La chaux est un élément essentiel pour l’industrie, la construction, l’agriculture, l’épuration des eaux… », explique Frederik Verhelst, Business Development Director Europe chez Lhoist. « Mais son processus de production génère inévitablement des émissions de CO2. Avec le projet CO2ncrEAT, le but est de réutiliser annuellement environ 20.000 tonnes de CO2 de notre site et de le valoriser comme matière première pour en faire des blocs de construction. »
« C’est un projet unique en son genre, basé sur une économie circulaire forte et locale », précise Antoine Grégoire, Project Manager chez Prefer. « Sa grande spécificité est que l’élément liant ciment sera remplacé par du CO2 puisé directement dans des fumées industrielles. Grâce à ce principe technologique efficient, le bloc CO2ncrEAT séquestrera dans sa matière davantage de CO2 que son processus de fabrication n’en émettra dans l’atmosphère. Avec comme résultat concret, un bloc éco-responsable caractérisé par un prix de vente proche de celui du bloc béton actuel ».
Un circuit vertueux
Comme le détaille Baptiste Cowez, CTO chez Orbix, «Le procédé de carbonatation résulte d’années de recherche visant à trouver des voies de valorisation pour des flux de co-produits issus de la sidérurgie, et plus particulièrement d’Aperam avec qui Orbix développe un cluster durable. Notre technologie offre des solutions pour ces matériaux, tout en réduisant nos besoins en ressources naturelles. Pour concrétiser ce projet, nous avons réalisé un screening afin d’identifier un producteur de bloc en béton situé proche d’une source de CO2 . La proximité de Lhoist et Prefer offre une opportunité idéale pour cette application. De son côté, Orbix récupère les laitiers, co-produits des aciéries d’Aperam, les démétallise, les transforme et les achemine chez Prefer qui lui, reçoit également le CO2 en provenance de Lhoist, émis lors de la fabrication de chaux. Les matières premières Orbix, et le CO2 de Lhoist permettent de fabriquer des blocs de construction durables. »
Et pour compléter ce circuit vertueux, Fluxys entre en jeu: « Nous apportons notre expertise en termes de transports par pipeline pour rendre le projet possible », explique Vincent Flon, Innovation Projects Developer chez Fluxys. « Face aux défis climatiques, nous développons notre savoir-faire et notre infrastructure pour assurer le transport du CO2 et de nouvelles molécules à faible empreinte carbone telles que l’hydrogène, l’ammoniac ou le biométhane. » A cet effet, Fluxys collabore avec l’industrie pour développer des solutions concrètes: « Nous construisons des infrastructures de transport de CO2 pour permettre des synergies industrielles créant de la valeur ajoutée locale, tout en décarbonant l’industrie. Le captage, le transport et la réutilisation de CO2 constituent une solution circulaire et efficace pour tenir les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2030. »
Soutenir les projets innovants
Si ce projet de cocréation est très prometteur, sa mise en œuvre nécessite néanmoins un support financier pour le démarrer. Frederik Verhelst précise : « Les acteurs du projet comptent sur un soutien de l’Innovation Fund et du programme LIFE mis en place par la commission Européenne pour soutenir les projets de développement de technologies innovantes et circulaires. »
Le début d’une aventure circulaire
Le marché de la construction étant très régulé, les demandes de certification ont également été lancées auprès des autorités, afin d’obtenir les permis nécessaires. De plus, les entreprises payent pour pouvoir émettre du dioxyde de carbone : 344 millions d’euros pour l’industrie belge en 2019. Dans le cadre du projet CO2ncrEAT, la question se posera donc de la valorisation du CO2 réutilisé, afin d’obtenir une équivalence en matière de valeur, condition nécessaire pour rendre le système rentable.
Quoi qu’il en soit, tous les acteurs concernés soulignent les avantages incontestables d’un tel projet. Pour Vincent Flon, « en connectant les différents acteurs, on permet de créer des synergies industrielles et de la valeur locale. D’un déchet, on crée une ressource, et cette ressource est valorisée localement. Tant le produit en lui-même que la destination de ce produit seront à ancrage local ».
Antoine Grégoire souligne que « En tant que leader dans notre secteur, nous sommes conscients de la nécessité de proposer aux professionnels de la construction des solutions plus « vertes ». Dans un premier temps, notre volonté est de distribuer annuellement 10 millions de blocs CO2ncrEAT. Mais nos ambitions vont au-delà puisque nous entendons remplacer par la suite l’ensemble de la gamme de blocs Prefer mais également dupliquer cette technologie sur d’autres produits de notre catalogue ».
Pour sa part, Baptiste Cowez précise que « les aspects se font ressentir aussi sur les aciéries, car nous sommes aujourd’hui capables d’offrir des voies de valorisation pour l’intégralité des laitiers. Ces solutions “zero-déchet” pour les co-produits pérennisent leurs activités et permettent de réfléchir à long terme ».
Enfin, Frederik Verhelst conclut en soulignant que « dès le moment où l’on dispose d’une source de CO2, d’une source de scories, et d’un marché local de blocs de béton, et que ces différentes sources sont connectables entre elles, un tel modèle circulaire et collaboratif peut être répliqué ailleurs. On voit donc l’éventail de possibilités qu’offre un tel projet innovant ».