Changements climatiques, émergence de nouveaux micropolluants… La gestion de l’eau est au cœur des défis que devra affronter notre société au cours des décennies à venir. Pour y faire face, l’Aquapôle s’efforce de créer des outils capables d’anticiper les besoins et de planifier l’action publique. Entretien avec son directeur, Jean-François Deliège.
Pouvez-vous nous présenter l’Aquapôle ?
Jean-François Deliège : « Il s’agit d’un pôle de recherche et de développement et d’expertise en sciences de l’eau. Il est basé sur le campus universitaire du Sart Tilman à Liège. Par ailleurs, ce centre fait partie de l’IIS Cluster H2O-Water in Action, établi par la Région wallonne pour accroître la compétitivité du territoire. Il comporte notamment une unité de recherche et développement nommée PeGiRE, que je dirige également. »
Quelle est la mission du PeGIRE?
J.F. D. : « C’est en réalité un acronyme pour ‘planification et gestion des ressources intégrées en eau’. Notre but est d’aider les décideurs à comprendre la dynamique et les processus liés au cycle de l’eau ; ainsi, ils peuvent prendre des mesures pour améliorer la qualité de l’eau et établir des plans de gestion. Ce faisant, on met aussi à leur disposition un outil pour se mettre en conformité avec la directive européenne 2000/60/CE ; elle impose aux États membres de s’efforcer d’atteindre le bon état écologique de toutes les masses d’eau présentes sur leur territoire. L’activité du PeGIRE est partagée en trois volets : la modélisation des processus physico-chimiques, la coopération internationale et la recherche fondamentale. »
La directive européenne 2000/60/CE impose aux États membres de s’efforcer d’atteindre le bon état écologique de toutes les masses d’eau présentes sur leur territoire.
En quoi consiste la modélisation?
J.F. D. : « Depuis une vingtaine d’années, nous avons mis au point et améliorons sans cesse un modèle mathématique, PEGASE pour ‘Planification et gestion de l’assainissement des eaux’. Le fondement de la démarche est d’établir la relation entre les différents types de pression, qu’elles soient naturelles ou anthropiques, et leur impact sur les propriétés physico-chimiques de l’eau. C’est complémentaire avec les analyses de monitoring, qui sont empiriques mais ponctuelles. Ces analyses sont d’ailleurs précieuses pour valider notre modèle et le rendre plus universel. Grâce à ce modèle, nous sommes capables de prédire la qualité de l’eau sur l’ensemble d’un territoire à n’importe quel moment. »
Qui sont les bénéficiaires de votre recherche ?
J.F. D. : « Tout d’abord, la Région wallonne. Avec le soutien du FEDER – le Fonds européen de développement régional -, nous avons créé le projet Dashboard 3.0 pour centraliser les informations relatives au cycle de l’eau en Wallonie et promouvoir la gestion intégrée du cycle hydrologique. En outre, à partir de PEGASE, nous avons créé une suite logicielle nommée PEGOPERA ; elle est utilisée non seulement par le Service public de Wallonie et le Vlaamse Milieumaatschappij, mais aussi par cinq agences de l’eau en France, au Grand-Duché de Luxembourg et dans beaucoup d’autres pays. »
On peut dire que vos travaux ont une portée réellement internationale.
J.F. D. : « En effet, c’est l’une des vocations premières du laboratoire PeGIRE. Nous avons des accords de coopération avec des pays d’Amérique latine et d’Afrique. Je suis moi-même référent académique en ce qui concerne le Maroc. D’ailleurs, nous disposons d’une section dédiée à cette problématique au sein du laboratoire, la GIRE – pour Gestion intégrée des ressources en eau ; elle cherche à faire profiter aux pays du Sud de notre expertise. »
Qu’en est-il de la recherche fondamentale ?
J.F. D. : « Nous accueillons dans nos locaux une demi-douzaine de doctorants. Ils consacrent leur temps à modéliser des thématiques nouvelles comme le rôle de micropolluants émergents tels que les PFOS, les métaux lourds ou encore les cyanobactéries. Ces informations permettent aux décideurs d’anticiper les futurs périls sanitaires et de planifier de manière préventive des mesures susceptibles de les écarter. Par ce biais, on peut espérer accroître la résilience des milieux naturels qui se trouvent sur notre territoire face aux changements climatiques qui se profilent à l’horizon. »