HNST ferme la boucle du processus de production des jeans, en se servant d’anciens jeans comme matière première pour en produire des nouveaux. Le concepteur Tom Duhoux croit fermement que l’économie circulaire est le seul modèle durable de l’avenir.
Texte : Eline Maeyens – Photos : HNST
On peut vous qualifier d’entrepreneur engagé. D’où vient cet engagement ?
« C’est l’arrivée du concept cradle-to-cradle, il y a 10 ans environ, qui m’a intrigué. J’étais alors au service d’une grande entreprise de traitement des déchets, et j’ai pris conscience qu’il y avait d’énormes possibilités dans le domaine du recyclage, mais aussi qu’une mauvaise conception de produit gâchait souvent les choses. »
« J’ai alors été convaincu qu’un mode de pensée circulaire était la seule façon d’aborder les choses différemment. Les déchets ne sont en fait qu’une erreur de conception. Dans la nature, le déchet n’existe pas, c’est l’homme qui a inventé le concept. Nous brûlons la majorité des déchets que nous générons pour en tirer, dans le meilleur des cas, un peu d’énergie. »
C’est pourquoi vous avez décidé de développer votre propre produit, dans le secteur de la confection. Pourquoi ce secteur ?
« La mode est un secteur dans lequel d’énormes changements sont encore possibles et nécessaires. Selon les chiffres de l’OVAM, la moitié du textile en Flandre se retrouve dans les déchets résiduels. »
Le modèle linéaire a une fin, les matières premières s’épuiseront tôt ou tard.
« C’est une quantité colossale de déchets, qui atteint même les 85 % à l’échelle mondiale. Moins de 1 % du textile qui est recyclé est réutilisé comme textile. Le textile collecté est actuellement soit vendu dans les pays du tiers monde, soit recyclé dans des secteurs à moindre valeur comme le matériau d’isolation. Sans oublier que la culture de coton a un réel impact environnemental. »
Comment un jeans HNST est-il fabriqué ?
« Chaque processus de production commence par la recherche de matières premières. La “ période de récolte ” de HNST a été une campagne de collecte organisée l’an dernier, lors de laquelle nous avons invité la population à nous remettre des jeans usés n’étant plus portés. »
« En deux semaines, nous avions récolté plus de 6 000 vieux jeans. « De Collectie » à Anvers a trié ces pantalons en, pour résumé, une moitié utilisable et une moitié non utilisable. Les pantalons utilisables ont été revendus dans des magasins de seconde main, les autres étant réduits en fibres réutilisables. »
« Vu que ces fibres recyclées sont plus courtes et donc moins solides en raison du broyage mécanique, des fibres plus longues doivent y être ajoutées. Nous avons opté pour le Tencel®, une fibre renouvelable à base de pulpe de bois. Cette combinaison de fibres de jeans anciens et de Tencel® est transformée en fils par le European Spinning Group, une entreprise flamande. Nous envoyons ces fils en Italie, où ils sont tissés en toile, à partir de laquelle nous fabriquons les pantalons. »
« De plus, le processus de teinture du jeans est particulièrement polluant : pour pouvoir utiliser l’indigo, il doit être rendu soluble. L’industrie traditionnelle utilise pour ce faire des produits chimiques et métaux lourds. L’entreprise de tissage avec laquelle nous travaillons utilise le SmartIndigo®, une technologie dans laquelle la poudre indigo est rendue soluble à l’aide d’électro-cellules. »
« Il y a d’autres éléments qui rendent nos jeans plus durables : des rivets brodés, des boutons en métal dévissables, une étiquette de la marque recyclable à l’aspect papier. »
Un processus de production aussi intensif est-il en fait encore payable ?
« Les jeans se vendent à environ 150 euros. J’avais au départ espéré rester sous la barre des 100 euros, mais ce n’était pas réaliste. Sur notre site web, nous montrons à nos clients comment nous arrivons à ce prix et la marge que nous réalisons. »
Quelle est votre vision de l’avenir ?
« Le passage d’une économie linéaire vers une économie circulaire sera ardu et lent. Mais inutile d’avoir l’âme d’un romantique écologique pour réaliser que le modèle linéaire a une fin, car les matières premières seront tôt ou tard épuisées. »
« Je veux également prouver que l’entrepreneuriat durable est une option économiquement rentable. Je suis plutôt pessimiste à propos des coups de pouce politiques, même si je pense qu’un taux de TVA favorable pour les produits circulaires améliorerait considérablement la situation. »