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« La politique du prix toujours le plus bas n’est pas une politique durable »

Marianne Streel, Présidente de la FWA et José Renard, Secrétaire Général de la FWA.

Défis environnementaux, innovations à la pointe, enjeux sociétaux : l’agriculture est un domaine aussi ancestral qu’actuel. Et peut-être l’allié le plus précieux de la durabilité. On fait le point avec Marianne Streel, Présidente de la Fédération Wallonne de l’Agriculture et agricultrice, et José Renard, Secrétaire Général de la FWA.

Texte : Maria-Laetitia Mattern – photos : Julien Flament

Des produits que nous consommons aux paysages qui nous entourent en passant par les métiers qu’elle anime, l’agriculture est partout autour de nous, et nous concerne tous. À la fois cause et victime du réchauffement climatique, elle en constitue aussi une partie de la solution. Depuis les années 1990, le secteur agricole wallon a notamment réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 17 % et s’améliore d’année en année, tout en innovant pour une agriculture durable.

Mais la durabilité ne se résume pas qu’en chiffres. « Le développement durable environnemental se construit sur 3 piliers », explique Marianne Streel. « Les piliers économique, environnemental et social. Pour être encore là demain, il faut que les décisions politiques, les objectifs à atteindre et les moyens mis en œuvre tiennent compte de ces trois aspects. »

« Tous les agriculteurs veulent pouvoir vivre de leur métier », poursuit José Renard. « Il est donc important de se rappeler que ce qui arrive sur nos assiettes a une valeur et que la politique du prix toujours le plus bas n’est pas une politique durable. »

L’un des principaux enjeux est de créer des filières de transformation des matières premières agricoles sur notre territoire.

Cap sur les filières de transformation

« L’un des principaux enjeux est de créer des filières de transformation des matières premières agricoles sur notre territoire », explique Marianne Streel.  « Et ce, non seulement pour réduire notre impact environnemental, mais surtout pour revaloriser nos territoires. On l’a vu avec la crise de la Covid-19 : dépendre du reste du monde pour vivre ou se nourrir est dangereux. Et puis, développer ces filières chez nous permet aussi de créer de nouveaux emplois et ainsi de répondre à la crise socio-économique actuelle. »

Mais ces usines de transformation, quelles sont-elles ? « La Wallonie compte déjà des usines pour les produits à base de pommes de terre ou encore de légumes surgelés. Mais par exemple, notre lin part en Chine alors que nous sommes l’une des zones du monde qui produit le meilleur lin. Nos céréales partent à l’étranger, nous importons de la farine, … Bref, cela n’a aucun sens. Il faut absolument recréer ces filières-là sur notre territoire. »

Si les pays occidentaux ont abandonné ce secteur, c’est pour trouver une main d’œuvre moins chère ailleurs et y préférer les métiers du tertiaire. « Il est important que nous nous réappropriions la transformation de nos matières premières alimentaires et non alimentaires sur notre territoire », poursuit Marianne Streel, « mais cette transition va devoir se faire intelligemment et tenir compte des enjeux sociaux pour ne pas nuire aux pays où de l’emploi est créé par ces usines. On ne demande pas l’autarcie, juste une meilleure cohérence dans les politiques, dans le respect des producteurs et également afin de garantir notre souveraineté alimentaire. »

Culture & élevage, les inséparables

Quid du lien entre élevage et culture ? Ces deux axes sont-ils séparables ? Pour José Renard, ils sont parfaitement complémentaires. « Depuis le néolithique, tout le développement de l’agriculture est basé sur cette interdépendance entre la culture et l’élevage. Et aujourd’hui, c’est aussi une question de durabilité : le meilleur engrais au monde, pour le sol comme pour les plantes, reste le fumier… »

Afin de tirer parti de cette association culture-élevage, la revalorisation des produits est la clé. « La betterave par exemple, une fois son sucre extrait, devient un merveilleux aliment du bétail. Le tourteau, résidu des graines de colza après extraction de l’huile, peut également être valorisé en alimentation animale. Entre culture et élevage, tout est donc une question d’équilibre », affirme le Secrétaire Général de la FWA.

L’évolution des techniques a également permis d’accroître la précision et réduire formidablement la dose d’engrais nécessaire, toujours dans un objectif de durabilité.

L’innovation, always & forever

Entre l’économie circulaire, la revalorisation des produits agricoles et la transformation des matières premières, on pourrait croire que l’agriculture s’auto-suffit et qu’elle se passe d’innovations. Or « ce n’est pas le cas du tout ! », explique Marianne Streel. « Le secteur de l’agriculture a toujours innové. Mes parents et mes grands-parents étaient agriculteurs et je les ai toujours vus répondre à des problèmes par des idées innovantes. En Wallonie, la recherche dans ce domaine est extrêmement dynamique, avec aujourd’hui une priorité sur l’environnement et la préservation de la biodiversité. »

Techniques qui luttent contre l’érosion, agriculture de précision, bien-être animal : l’innovation est sans cesse en quête de solutions. « En matière de pulvérisation par exemple, nous sommes passés de traitements systématiques à des traitements uniquement lorsque c’est vraiment nécessaire pour les cultures. L’évolution des techniques a également permis d’accroître la précision et réduire formidablement la dose d’engrais nécessaire, toujours dans un objectif de durabilité et de respect de l’environnement », conclut Marianne Streel.

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