Les mutations sociétales, la digitalisation et les réalités budgétaires constituent quelques-uns des défis rencontrés par la formation continue. Six experts de la formation tout au long de la vie se sont rencontrés pour partager leur analyse et démontrer la créativité d’un secteur en constante évolution.
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Alain Goreux, Directeur général de l’Office francophone de la formation en alternance (OFFA)
Anne Grzyb, Directrice de l’Institut Universitaire de Formation Continue (UCLouvain)
Christelle de Beys, Responsable du Service de Formation Continue de l’ULB
Jeny Clavareau, Directrice de l’Enseignement pour Adultes (anciennement Enseignement de Promotion Sociale)
Régine Calloens, Directrice présidente de la Haute École Francisco Ferrer
Valérie Glatigny, Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement de Promotion sociale
L’acquisition de compétences est un enjeu central qui doit faire face à certains défis. Quelle est votre vision à ce sujet?
Anne Grzyb, Directrice de l’Institut Universitaire de Formation Continue (UCLouvain) : « L’acquisition des compétences permet aux individus de trouver et de maintenir une place active dans la société, et de participer au développement socio-économique de nos régions. Toutefois, le tissu économique en FWB est surtout constitué de PME et de TPE, la disponibilité du publiccible pour se former n’est donc pas la même qu’en Irlande, par exemple, où de grandes entreprises liées aux GAFA sont fortement implantées et ont les moyens de rendre leur personnel disponible pour se former. Par ailleurs, au niveau des institutions, il faudrait rendre les formations plus agiles et plus accessibles, afin qu’elles répondent aux besoins de diverses compétences, au regard des transitions digitales, écologiques et économiques. Pour ce faire, nous regardons du côté de la recommandation européenne dédiée aux micro-certifications : nous y voyons un outil intéressant pour flexibiliser notre offre de formation et la rendre plus accessible à un large public. »
Jeny Clavareau, Directrice de l’Enseignement pour Adultes (anciennement Enseignement de Promotion Sociale) : « Notre offre se construit autour des besoins de l’adulte apprenant. Or, la pression devient de plus en plus importante sur la formation tout au long de la vie, et donc sur l’acquisition de compétences en cours de carrière. Avec la digitalisation, il faudra former plus 4,5 millions de personnes à l’horizon 2030 et ce, dans tous les secteurs. La question de la souplesse d’organisation et de développement de nouveaux curricula est donc centrale. D’où l’importance de mettre en place des actions cohérentes et visibles. Nous sommes les seuls à pratiquer spécifiquement l’andragogie (la pratique de l’éducation des adultes, ndlr) : considérer l’adulte comme une personne avec une expérience propre, qui va construire un nouveau savoir avec son enseignant, et qui est à la fois bénéficiaire, acteur, citoyen et juge. Des personnes qui vont parfois questionner les savoirs et compétences des enseignants sur des domaines qu’elles connaissent bien, car elles le vivent au quotidien dans l’exercice de leur métier. Toute la compétence de l’enseignant, c’est précisément de prendre en compte cette expérience, tout en amenant l’étudiant plus loin. »
Valérie Glatigny, Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement de Promotion sociale : « L’acquisition des compétences est centrale en FWB. Notre matière première essentielle, c’est la matière grise, les compétences de nos élèves. Il faut pouvoir travailler sur des soft skills indispensables comme l’esprit critique, la capacité à travailler en équipe, l’engagement, la réflexivité. On voit tout l’intérêt à former des jeunes, mais aussi à raccrocher des adultes à un apprentissage. Tout l’enjeu sera cette complémentarité entre opérateurs de formation. La question du périmètre -qui fait quoi et pour qui?- est essentielle. Nous avons un projet de réforme en ce sens pour augmenter la qualité et permettre à chaque type d’enseignement d’atteindre sa cible. »
Christelle de Beys, Responsable du Service de Formation Continue de l’ULB : « Il n’est pas naturel de se former tout au long de la vie, nous devons faire face à des freins d’ordre divers (économique, organisationnel, logistique, psychologique…). Par exemple, dans des écosystèmes à forte croissance qui connaissent des pénuries (santé, biotech, sciences et technique…), grâce à l’innovation techno-pédagogique, nous avons pu tester un ensemble de dispositifs pour aller chercher des publics éloignés de l’emploi et de la formation et augmenter les cohortes d’apprenants. Avec des formations à distance, des modules de préqualification, il a été possible de réorienter des apprenants vers ces secteurs. Les plateformes pédagogiques permettent aussi d’accompagner l’apprenant de manière plus personnalisée, d’augmenter l’efficacité des apprentissages, de surmonter certaines contraintes de disponibilité de formateurs, d’expertise ou de labos. »
Alain Goreux, Directeur général de l’Office francophone de la formation en alternance (OFFA) : « Une personne qui travaille toute la journée dans une PME ou TPE est-elle encore pleinement motivée, le soir venu, pour suivre une formation ? De même, à mes yeux, l’entreprise n’insiste pas assez auprès de ses collaborateurs sur le fait qu’ils sont co-responsables de leur développement. Tout ne peut pas venir de l’entreprise ou des opérateurs de formation. Ramener le message vers les personnes qui travaillent en les responsabilisant sur cet aspect est important. Par ailleurs, quand un collaborateur sort d’une formation payée par sa PME, il n’est pas rare qu’il soit approché par une grande entreprise qui va lui proposer un package salarial plus attractif. D’où une perte de rentabiliuté et de profitabilité pour la PME. Considérons aussi cet aspect important de la rétention du collaborateur. »
J. Clavareau : « Sur ce point, j’estime au contraire qu’il faut changer complètement d’état d’esprit. Aujourd’hui, la moyenne pour changer d’emploi est de 5 ans. L’idée est que chaque employeur profite de la formation qui a été donnée ailleurs et en propose à son tour. Il faut penser en écosystème et pas seulement en termes de rétention. »
A. Goreux : « Mais la formation en alternance « jeunes» concerne à plus de 90 % des PME et des TPE. Dans un secteur comme l’électricité, par exemple, plein de patrons indépendants sont découragés : ils forment des jeunes et les certifient, pour les voir aussitôt partir vers des grandes entreprises qui les attendent avec un package qu’il leur est impossible de concurrencer. »
Régine Calloens, Directrice présidente de la Haute École Francisco Ferrer : « Effectivement, en haute école comme dans les universités, être en phase avec les besoins d’un bassin dans lequel on est impacté est parfois complexe. Le fait d’avoir un service de formation continue permet de rebondir plus facilement par rapport à des micro certifications. Par exemple, nous sommes implantés à Bruxelles et nous avons développé un certificat de bilinguisme afin que les enseignants puissent enseigner dans les deux langues, ce qui permet une certaine agilité. Dans les parcours et la lisibilité des parcours de formation, ce n’est pas toujours simple non plus pour nos étudiants. D’où l’intérêt, dès cette formation initiale, de les diriger vers ce type de formations complémentaires. Ils se voient donc ainsi familiarisés dès le début avec la filière des certificats, en parallèle de leurs formations initiales. Le long life learning s’acquiert tôt. »
A. Grzyb : « C’est une des particularités des établissements d’enseignement supérieur : proposer des programmes adaptés à l’ensemble du cycle de vie d’un individu. Des programmes diplômants pour les jeunes, des programmes plus courts pour des adultes ou des personnes qui veulent développer ou actualiser leurs compétences professionnelles, ou des personnes qui, par intérêt personnel ou citoyen, veulent élargir leurs connaissances. »
C. de Beys : « Au vu de l’ampleur des enjeux de transformation et de transition, on ne peut pas rester cantonné au transfert des compétences techniques et professionnelles. Il est essentiel d’impliquer aussi les autres disciplines, notamment en sciences humaines et sociales. L’université est un véritable laboratoire pour adresser toutes les facettes et enjeux de ces transitions complexes. Elle peut incuber, innover des nouveaux contenus, parcours et approches pédagogiques. »
V. Glatigny : « M. Goreux évoque l’idée d’encourager chacun à avoir une sorte de capital d’employabilité dont chacun doit prendre soin, en partenariat avec son employeur. C’est aussi une responsabilité des pouvoirs publics d’établir cette culture du lifelong learning, ce qui nous oblige à disposer d’un catalogue d’offres très large, avec un défi en matière de budgets et en évitant les redondances entre opérateurs, tout en créant des passerelles entre eux. Cet effort collectif nous permettra de coller aux besoins d’un apprenant, mais aussi de coller à la réalité des secteurs d’activité qui ont des besoins spécifiques de formation. »
Précisément, qu’en est-il de la complémentarité entre opérateurs de formation pour une meilleure offre pédagogique ?
A. Grzyb : « L’implantation de l’université dans ce qui est devenu Louvain-la-Neuve a créé peu à peu un territoire, avec un parc scientifique, des spinoffs, des startups, des hautes écoles… Les partenariats et collaborations ont donc stimulé toute l’économie de ce territoire. Ce qui montre toute l’importance d’une logique d’écosystème, où chaque entité a pu trouver sa place et bénéficier de l’essor de l’autre, tout en respectant la spécificité de chacun. Parler de complémentarité n’empêche pas la spécificité. Celle de l’université est d’être adossée à la recherche, d’être un acteur de l’innovation. Le niveau des compétences attendues dans les années à venir va augmenter. Dans ces écosystèmes innovants qui se construisent, l’université a donc un rôle complémentaire à jouer pour contribuer à la montée en compétences des publics plus éloignés de l’enseignement supérieur. »
C. de Beys : « L’ULB a une expérience similaire en développant au fil du temps une chaîne structurante de collaboration autour d’écosystèmes basés sur la recherche et l’innovation. Mais, pour l’avoir vécu personnellement, la culture de la collaboration pour répondre au mieux aux besoins des individus, du marché et améliorer la compétitivité d’un secteur, n’est pas chose aisée. Comme les besoins sont en constante évolution, nous innovons et créons des nouveaux parcours vers des emplois durables. Pour déployer plus largement ces parcours de formation, nous pouvons travailler avec les centres de compétences, qui ont les moyens de former plus massivement. Nous pouvons également collaborer avec le Forem et Bruxelles-Formation pour mieux intégrer le public chercheur d’emploi C’est un vrai défi car il faut intégrer la culture de chaque organisation pour agir en complémentarité et mieux répondre aux besoins de l’écosystème et de l’apprenant. »
J. Clavareau : « J’aime beaucoup la notion d’écosystème. Penser à partir de l’innovation qui va déboucher sur un développement de compétences. Nous collaborons beaucoup avec les universités mais aussi les hautes écoles (par exemple avec une codiplômation dans un bachelier en intelligence artificielle à Liège). En observant la mission fondamentale de chaque opérateur, il est impossible de dire qu’un de ces opérateurs n’est pas pertinent. Et je le dis en tant que représentante de l’enseignement pour adultes, qui connaît probablement la plus forte concurrence et qui est le moins bien financé. La logique d’écosystème consiste à inciter chacun à utiliser le gros de ses moyens sur sa vraie plus-value par rapport aux besoins des bénéficiaires ; et à collaborer avec les autres acteurs pour les actions qui ne sont pas dans son cœur de métier. D’où l’importance de développer une logique de parcours et d’orientation : de nombreux patrons de PME et de jeunes ne s’y retrouvent pas dans la pléthore d’offres de formations. »
V. Glatigny : « Je rejoins Mme Clavareau. Un des chapitres de notre déclaration de politique communautaire (DPC), c’est précisément l’orientation. Il faut développer une logique de collaboration, et pas de concurrence ou de chasse à l’apprenant. Nous faisons face à une situation budgétaire très compliquée, évitons donc au maximum les redondances et partons des besoins de formations de l’apprenant. Dans cette optique, nous souhaitons mettre en place un bilan de compétences des jeunes à la sortie de leurs études secondaires, pour qu’ils aient une vision sur toute l’offre de formation existante -et effectivement pléthorique- en FWB, mais aussi une vision sur ce qui constitue ses forces et ses faiblesses, avec la détection d’une absence éventuelle de pré-requis et les moyens d’y remédier. Le taux d’échec en 1e année est d’ailleurs souvent causé par ce manque de détection. De plus, dans notre DPC figure en 3e année secondaire les activités orientantes : offrir à un jeune, du général et du qualifiant, la possibilité d’avoir un contact métier, un stage de 5 jours en fonction de ce qu’il souhaite. »
R. Calloens : « Vous parlez de chasse à l’apprenant, mais nous constatons souvent des doublons avec peu d’inscrits : il est fréquent de trouver la même offre à quelques kilomètres de distance. Par rapport à l’éclatement des structures, il y a aussi un manque de coordination de la communication, elle pourrait passer par les pôles pour les écoles et les universités, mais une plate-forme commune de communication fait défaut. »
Le lifelong learning joue un rôle stratégique dans un monde en mutation rapide. Comment envisagez-vous le rôle de l’intelligence artificielle dans les processus d’apprentissage ?
Il faut considérer l’IA et son impact sur toutes les sphères d’activité. Dans toutes les disciplines, l’impact de l’IA doit être pensé et envisagé et nous en tenons compte dans nos formations: IA et les fondamentaux techniques, IA et éthique, IA et environnements de travail, IA et santé, IA et économie numérique… Des enjeux de vision de société devront être relayés au niveau politique. »
J. Clavareau : « Dans notre équipe, un techno-pédagogue spécialiste de la question est appelé partout dans le monde de l’enseignement, avec une question qui revient systématiquement : comment évalue-t-on le travail des élèves dans le contexte de l’IA ? Son conseil, c’est d’abord de dédramatiser et ensuite de ne pas parler d’intelligence artificielle, mais des intelligences artificielles : ça reste une machine, laissons-la à sa juste place. Le vrai sujet est donc de faire avec, en sachant poser des questions qui vont amener l’élève et l’étudiant à plus de profondeur et de réflexion et davantage d’esprit critique, ce que l’IA ne sait pas faire. »
V. Glatigny : « On me pose des questions similaires, si l’IA ne pourrait pas aider en matière de décrochage scolaire. Elle pourrait en effet venir en soutien, en offrant des exercices personnalisés et des réponses immédiates. Rappelons qu’il est important d’utiliser ces outils en toute connaissance de cause : nous avons un référentiel FMTT (Formation Manuelle Technique et Technologique) en la matière. Mais une relation pédagogique reste une relation de 2 personnes dans le cadre d’une présence physique : il faut apprendre aux jeunes à utiliser les outils numériques, mais ce qu’il se passe dans l’apprentissage, c’est dans la transmission d’une personne à une autre. »
A. Grzyb : « Cette innovation questionne le profil de compétences de l’individu que nous formons et dans quelle temporalité. On parle d’évaluation, d’esprit critique…, mais utiliser ces compétences-là demande d’installer des compétences de fond, transversales. Le monde de l’entreprise cherche aussi ce type de compétences complexes. Notre enjeu et notre spécificité en tant qu’enseignement supérieur, c’est bien sûr de proposer des formations courtes dans une logique d’upskilling, mais aussi de travailler sur du long terme et d’installer des compétences transversales qui seront utiles tout au long de la vie. »
A. Goreux : « Chaque période a eu sa part d’évolution. Au début de ma vie professionnelle, il n’y avait pas d’ordinateurs. Chaque nouvelle évolution suscite des craintes, et l’IA n’y échappe pas dans le domaine de l’enseignement, en matière d’évaluation. Mais il faut la voir comme une sorte de complément. Dans le monde de l’entreprise, la compétence technique en tant que telle ne sert à rien si on l’utilise seule. Le travail d’équipe est primordial et l’IA ne vous apprendra jamais cela. »
R. Calloens : « Les universités et hautes écoles ont accompli en très peu de temps un travail massif pour inclure l’utilisation des IA dans leurs pratiques d’enseignement et d’évaluation, mais le vivier des PME n’a pas vécu ce virage dans la quiétude pour intégrer ces nouvelles technologies. »
La Wallonie souffre d’un des plus faibles taux de diplômés d’Europe dans les filières STEM. Quelles sont les pistes pour y remédier ?
V. Glatigny : « Au début de la législature précédente, la FWB avait lancé une série d’actions et de sensibilisation, mais le défi principal rencontré a été de travailler de façon articulée avec les régions. Notre DPC va plus loin que la législature précédente, mais des résultats positifs ont toutefois été notés, avec une augmentation des inscriptions dans les filières STEM. Et l’idée est de monter en puissance en étant mieux articulés avec les régions, de par la création de référentiels et en éveillant la curiosité chez les jeunes, tout en luttant contre les stéréotypes qui entraînent, par exemple, un important déficit chez les jeunes filles dans ces filières. »
A. Goreux : « Aux Startech’s Days, en novembre dernier, un des palais était consacré entièrement aux métiers de la construction. Il était marquant de constater que, non seulement il n’était fréquenté que par des jeunes hommes, mais que des jeunes filles faisaient demi-tour aussitôt après y être entrées, comme si elles étaient prédisposées à penser que ces métiers n’étaient pas pour elles. Et les enseignants qui les accompagnaient semblaient accepter cet état de fait. Ce qui montre, en effet, à quel point il faut travailler le plus tôt possible sur ces stéréotypes bien ancrés. »
C. de Beys : « Dans cette optique, nous avons lancé avec succès une formation en sciences humaines, S.HE goes digital, principalement à l’adresse d’un public féminin, pour réorienter ce public vers les sciences et techniques. Avec des politiques ciblées et un programme adapté, on peut promouvoir ces filières STEM. »
R. Calloens : « Ça passe aussi par la réforme des études des enseignants. La posture des enseignants au début des filières communes joue un rôle considérable dans l’orientation des étudiants vers 12-13-14 ans. »
A. Grzyb : « On parle beaucoup des jeunes par rapport aux STEM, mais des personnes en cours de carrière ayant eu un parcours en sciences humaines se réorientent efficacement avec des formations de courte durée, par exemple via notre Certificat en junior data analyst. »
J. Clavareau : « Nous avons déposé un projet avec l’Union Wallonne des Entreprises, visant à agir sur la formation initiale des enseignants, afin de retravailler leur vision des métiers et la question des stéréotypes de genre et de hiérarchisation des métiers par l’approche STEAM, Cette approche (Sciences, Technologies, Engineering, Arts, Mathematics), vise à travailler à partir des compétences transversales portées par toutes ces disciplines et à ancrer le développement des savoirs et savoirs-faire sur une base commune entre toutes les filières. C’est porteur pour casser les logiques discriminatoires et stéréotypées (genres, métiers), mais aussi pour soutenir l’engagement et la confiance en soi des élèves et des étudiants. C’est faire prendre conscience que la démarche artistique peut aider une chimiste à innover, que les processus mathématiques soutiennent l’esprit critique, que la démarche scientifique soutien la résolution de problèmes chez les ingénieurs,… Nous avons également emmené des enseignants et étudiants en immersion dans des entreprises pour les ouvrir à la pratique des métiers STEM. »
À la mi-octobre, Mme Glatigny a parlé d’un budget 2025 responsable mais sans austérité. Comment voyez-vous les choses en la matière?
V. Glatigny : « La situation budgétaire est très délicate et tous les secteurs de la FWB vont être amenés à faire des efforts. Je comprends le désarroi que ça peut susciter, mais si on ne le fait pas, nous laisserons un cadeau empoisonné à nos enfants, avec une dette qui ne sera plus soutenable. Nous ne touchons pas aux missions essentielles de l’école ni au salaire des enseignants, ni à l’indexation. Or, 65 % du budget de la FWB est consacré à l’enseignement, et sur ces 65 %, 85 % sont consacrés aux salaires. Notre choix, c’est de travailler sur les redondances et les doublons. On dénombre 5400 petites options dans le qualifiant, dont 2700 avec moins de 10 élèves. Il est donc possible d’y faire des économies, tout en dégageant 2 millions d’aides pour aider les élèves à mieux s’orienter. »
C. de Beys : « Pour booster l’innovation et aborder certaines thématiques sociétales liées à la durabilité et à l’inclusion, nous devons faire preuve d’un dynamisme et d’une intelligence collaborative énorme. On arrive à trouver les fonds pour dispenser des formations, mais pas suffisamment pour investir en recherche et développement dans le domaine des nouvelles approches pédagogiques, pour aller chercher les publics éloignés de l’emploi et de la formation et mieux répondre au besoin de nouvelles compétences… Ces enjeux-là sont invisibilisés. »
A. Grzyb : « Nous avons étudié la façon dont les universités européennes financent leurs formations continues. La plupart s’auto-financent, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les finances publiques. Mais il y a des limites à ce modèle, par exemple pour développer des formations à haute valeur sociétale destinées à un public moins solvable. De plus, face à une innovation d’ampleur comme les microcertifications qui nécessite de construire des écosystèmes sans fonds d’impulsion, cela paraît très compliqué. »
J. Clavareau : « La situation est compliquée. Dans l’ensemble et pour tous les niveaux d’enseignement, nous plaidons pour soutenir l’autonomie et la force de frappe au niveau du terrain, donc des établissements, notamment en diminuant la charge des contrôles et des procédures administratives. Cela ne fait pas sens de faire glisser des moyens du terrain vers l’administration pour un meilleur enseignement. C’est l’inverse qu’il faut faire. En termes de souplesse et d’innovation, l’enseignement pour adultes, par exemple, a des possibilités, notamment grâce à ses possibilités de partenariat et à ses experts venus des entreprises… »
A. Grzyb : « … et venus également des hautes écoles et des universités ! » J. Clavareau : « Exactement, et nous n’avons pas de revendications par rapport à cela, mais nous demandons de ne pas nourrir la machine administrative au détriment du terrain. »
A. Goreux : « Des efforts de pédagogie doivent être faits pour bien expliquer les mesures au public, lui expliquer qu’il ne s’agit pas de détruire un système, mais de le rendre plus efficace. J’entends des chiffres affolants sur des dispositions qui n’existent pas encore. Une option qui disparaît ne signifie pas qu’un enseignant disparaît également : il est possible de l’affecter à d’autres tâches. »
V. Glatigny : Nous souhaitons redélimiter les paramètres pour pouvoir ensuite réinjecter les économies dans le qualifiant, et mieux orienter les jeunes vers cette filière -qui doit vraiment devenir une filière d’excellence et d’alternance- en collaborant mieux avec les entreprises. Et je serai très attentive si des mesures d’efficience m’étaient proposées par les PO ou les organisations syndicales. »