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Biotechs : à la croisée des chemins entre succès et défis

Les biotechs sont l’un des fers de lance de l’innovation et même de l’économie wallonne. Toutefois, en dépit de la bonne santé du secteur, Benoît Autem, CEO de la société montoise D-tek, plaide pour une plus grande simplification réglementaire et administrative, ainsi que pour une meilleure collaboration avec les universités.

Quel regard portez-vous sur les biotechs wallonnes ?

Benoît Autem  : «  Grâce à notre réseau d’universités, de hautes écoles et de centres de recherche, nous disposons d’un tissu économique propice à l’innovation. Cela se traduit par une très longue histoire dans le développement de spin-off, de PME et de grandes entreprises dans les biotechs. Récemment, on a encore pu le constater dans le segment du diagnostic  ; durant la crise sanitaire, nos entreprises ont répondu à ce défi avec beaucoup de succès. À côté des entreprises, nous bénéficions aussi d’outils de financement : un réseau d’invests privés et l’acteur public Wallonie Entreprendre, résultat de la fusion de la Sogepa, de la Sowalfin et de la Société régionale d’investissement wallonne. »

Comment se déroule la collaboration entre le monde de l’enseignement et les entreprises du secteur ?

B.  A.  : «  Clairement, en tant que société, nous avons beaucoup plus de collaborations avec des entreprises étrangères ou des hautes écoles qu’avec les universités, même si nous avons quelques très beaux exemples concernant ces dernières. Certains professeurs d’université restent encore trop dans leur tour d’ivoire, sans connaissances suffisantes de l’environnement technique, industriel ou économique. Heureusement, cela change avec les nouvelles générations de professeurs. »

À quels défis majeurs le secteur est-il confronté ?

B. A. : «  Nous avons des chercheurs très brillants qui, souvent, trouvent des solutions qui peuvent déboucher sur un produit. Malheureusement, il y a aussi beaucoup de chercheurs qui ne trouvent pas les soutiens nécessaires pour que leurs solutions atteignent un niveau de maturité technologique suffisant pour le marché.

Le défi principal vient de la réglementation et de l’administration : elles freinent le développement de nos entreprises.

Le défi principal vient de la réglementation et de l’administration : elles freinent le développement de nos entreprises. Bien entendu, la réglementation est nécessaire, car le secteur a vécu par exemple des cas de fraudes qui ont rendu obligatoire l’imposition de certaines exigences. Toutefois, c’est arrivé à un point où elle entrave notre savoir-faire, synonyme de création de nouvelles entreprises, d’emplois et de valeur ajoutée. Dans le contexte actuel, il ne serait plus possible de développer une société comme la nôtre. »

Pourquoi ?

B. A. : « Née au début des années 1990, D-Tek a pris son envol à partir d’une idée sur une table de laboratoire, que le fondateur développa en faisant tout de A à Z, de l’achat des matières premières à l’envoi des produits, en passant par leur conditionnement. Très rapidement, il a eu la possibilité de croître, d’engager du personnel et, finalement, de construire ses propres installations sur  1.200  m² vers  2010. L’environnement réglementaire que nous connaissons actuellement ne permettrait plus cela. Pour preuve, depuis plus de dix ans, il n’y a plus eu de création de nouvelles sociétés dans le secteur du diagnostic. On voit encore quelques créations de spin-off, de sociétés de biotech ou d’entreprises associées au secteur pharma, mais elles sont souvent rapidement rachetées ou intégrées à de plus grands groupes. »

Quelles sont les pierres d’achoppement sur le plan administratif ?

B. A. : « La charge administrative a littéralement explosé, avec un surcroît de contrôles, de demandes de justifications et de statistiques. Résultat : on perd du temps et souvent des ressources pour innover. Or, les biotechs sont un secteur très concurrentiel, dont les évolutions techniques et technologiques impressionnantes exigent déjà toute notre attention et de la rapidité. On peut évidemment intégrer des solutions digitales pour alléger la charge de reporting que l’on exige de nous, mais cela aussi nécessite des investissements non négligeables en temps et en ressources. »

Depuis 25 ans, nous faisons tout nous-mêmes ! Je ne suis pas sûr que ce serait possible ailleurs qu’en Wallonie.

En dépit des obstacles, la Wallonie conserve-t-elle de bonnes perspectives en termes d’innovation ?

B. A. : « J’en suis convaincu ! Le Wallon est généralement une personne ayant besoin d’avoir un travail qui présente du sens et de l’intérêt. Lorsqu’il le trouve, comme c’est le cas dans le secteur des biotechs, il se montre très motivé et abat un travail important, avec un niveau de connaissance très élevé grâce à notre réseau académique. Au sein de notre entreprise d’une vingtaine de personnes, par exemple, nous nous occupons aussi bien de recherche et développement que de production et de conditionnement. Depuis  25  ans, nous faisons tout nousmêmes ! Je ne suis pas sûr que ce serait possible ailleurs qu’en Wallonie. »

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