Investir dans l’immobilier doit se faire avec une vision à long terme. Nicolas Van Oost, Président d’archipelago architects, et Coen van den Wijngaert, Executive Partner, Acquisition & Business Development, mettent en lumière les multiples aspects à prendre en compte dès la conception d’un bâtiment.
Texte : Philippe Van Lil – photos : archipelago architects in collaboration with SeARCH
Nicolas Van Oost
Président
archipelago architects
Coen van den Wijngaert
Executive Partner, Acquisition & Business Development
archipelago architects
Quelle est votre approche de l’architecture ?
Nicolas Van Oost : « Nous la voulons avant tout contextuelle, autrement dit liée à l’endroit où elle est. Dès lors, elle est évidemment liée à l’urbanisme, au climat, aux bâtiments voisins mais aussi aux aspects historiques, sociaux et économiques du lieu. Le contexte dépend également de l’activité qui se développera dans le bâtiment. À cet égard, nous avons dédié une série spécialistes – architectes, architectes d’intérieur, etc. – à quatre domaines spécifiques : le ‘Live », soit le logement ; le ‘Care’, qui englobe le soin accordé des enfants en bas âge jusqu’aux seniors en passant par la santé, notamment dans des hôpitaux ; le ‘Work’, donc le monde du travail, en ce compris le ‘new way of working’ ; le ‘Learn’, qui touche à l’apprentissage. »
Sur quels autres éléments mettez-vous le focus ?
N. V. O. : « Sur des éléments primordiaux pour notre bien-être – la lumière, les couleurs, les matières et les perspectives – et sur ‘l’architecture durable’. Autrement dit, lors de la conception d’un bâtiment, il s’agit d’envisager sa durée de vie complète, sa capacité à se transformer et à recevoir de nouvelles activités. »
Les bâtiments multifonctionnels et intergénérationnels offre une mixité extrêmement enrichissante sur le plan social et donne plus de chances à l’immeuble de perdurer.
Coen van den Wijngaert : « Par ailleurs, en matière de développement urbain, nous nous inscrivons dans le courant du Brownfield. Il consiste à redonner du sens et une nouvelle fonction à un site ou à un bâtiment dans lequel il y a déjà eu une activité, par exemple industrielle. Pouvoir convertir un bâtiment hospitalier en logements d’étudiants par exemple a un impact considérable sur sa valeur à long terme. Le Brownfield s’oppose au Greenfield, qui consiste à construire des bâtiments sur des espaces libres tels que des champs. Par ailleurs, quand on parle de durabilité, un autre élément essentiel est la mobilité. »
Un exemple ?
C. v. d. W. : « Le complexe Kop van Kessel-Lo est un projet ambitieux sur une large bande de terrain située sur le flanc est de la gare de Louvain. Cette infrastructure mixte est un bel exemple de mobilité urbaine contemporaine. Par la création d’espaces publics et de passerelles piétonnes et cyclistes, le projet établit une connexion vivante entre le centre-ville et la commune de Kessel-Lo, jusqu’alors largement isolée du tissu urbain louvaniste par les voies de chemin de fer. Ce complexe intègre aussi des connexions avec la gare, des parkings pour vélos et voitures, des logements pour étudiants, des appartements, des commerces, des hôtels, des bureaux, etc. Le tout se veut à la fois multifonctionnel et intergénérationnel dans un ensemble cohérent. »
La cohérence semble être un mot d’ordre important pour vous….
N. V. O. : « En effet, qu’il s’agisse du secteur immobilier public ou privé, il est essentiel d’être bien à l’écoute, de comprendre et de gérer toutes les parties prenantes à un projet. Chacune a un apport en termes de création de valeurs. L’architecture n’est pas qu’une affaire d’esthétique ! C’est la raison pour laquelle notre approche se veut holistique et contextuelle. Notre expérience à l’étranger nous permet de proposer des solutions optimales à cet égard. En Belgique, il faut cependant faire face à certaines réticences en raison de la réglementation, des types d’investissements et d’un certain cloisonnement. »
Détruire et reconstruire du béton a un coût économique et environnemental important, c’est pourquoi l’économie circulaire devient primordiale dans notre métier.
C. v. d. W. : « Outre les difficultés juridiques, le marché de l’immobilier est en effet très fragmenté en Belgique et les processus d’investissement ne cessent de se complexifier. Nous voulons apporter plus de flexibilité dans ces processus. »
N. V. O. : « Un autre aspect intéressant de la flexibilité est aussi de créer, dès le départ, des bâtiments multifonctionnels et intergénérationnels. Dans un même immeuble, on peut par exemple trouver une crèche, une maison de repos, des bureaux, des logements moyens et des logements sociaux. Cette mixité est extrêmement enrichissante sur le plan social et donne aussi bien plus de chances à l’immeuble de perdurer. »
À quels autres aspects êtes-vous encore attentifs ?
C. v. d. W. : « À l’économie circulaire ! Dans le cadre d’un projet pour un nouveau bâtiment administratif à Uccle, par exemple, nous avons veillé à conserver les façades et les planchers et à retravailler tous les systèmes de fonctionnement et l’enveloppe – les châssis – pour être énergétiquement performants. Détruire et reconstruire du béton a un coût économique et environnemental important. Dans ce projet, il y a également une innovation étonnante : une pompe à chaleur puisera la chaleur des égouts pour la réinjecter dans le bâtiment. »
N. V. O. : « Pour nous, l’aspect végétal et notre lien à la nature sont aussi extrêmement importants, que ce soit en pleine terre, sur des terrasses privées, des toitures ou dans des parties communes. Cela apporte saisonnalité et sérénité ; à chaque saison, le végétal change et fait évoluer le bâtiment, par exemple avec les feuilles des arbres qui, en été, permettent de se protéger de l’ensoleillement. Au même titre que pour la présence de lumière naturelle dans les bâtiments, tous nos projets sont étudiés en ce sens avant de les confier aux ingénieurs. »