Philippe Vanrie est le directeur de l’Association Internationale EUREKA, le réseau intergouvernemental d’innovation collaborative. Il nous livre son analyse sur l’écosystème belge de l’innovation.
Dans les domaines de l’innovation et de la recherche et développement, les tableaux de bord européens qualifient la Belgique de « strong innovator », au même niveau que la France, l’Irlande, l’Autriche et le Luxembourg. Ceci la place en catégorie 2, après les « innovation leaders » que sont les pays nordiques, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et les Pays-Bas.
Pour notre pays, ce n’est pas si mal. D’autant plus que selon une étude récente de la Commission européenne, la Belgique est considérée, à l’instar de la Finlande et du Danemark, comme un pays qui accélère dans ce domaine. Notre taux de croissance de l’investissement en R&D a progressé d’un peu moins de 2 % en 2017 mais de plus de 10 % dans nos grandes entreprises, ce qui est mieux que beaucoup d’autres pays européens.
Bruxelles et la Wallonie toujours derrière, mais en net progrès
Au niveau régional, les différences sont toujours bien là, mais Bruxelles et la Wallonie progressent plus vite et grignotent leur retard. Désormais, Bruxelles figure dans la catégorie « strong + innovators », en 66e position sur 220 régions, et la Wallonie dans les « strong innovators », en 86e position; la Flandre est dans le wagon des « innovation leaders », en 46e position.
Écarts
Ces écarts s’expliquent par au moins trois facteurs.
- les meilleures performances des universités en Flandre : la KUL et l’Université de Gand font mieux que l’ULB, l’UCL et l’ULg.
- la présence plus nombreuse, en Flandre, d’acteurs industriels dominants et de grosses PME innovantes, en ce compris les filiales de multinationales étrangères.
- sans doute l’effet d’entraînement de l’Institut de recherche interdisciplinaire en micro-électronique et nanotechnologies (IMEC) à Leuven ; il a récemment fusionné avec i-Minds, cette plateforme du numérique née à Gand ; ce nouvel ensemble n’a pas d’équivalent à Bruxelles et en Wallonie, ni peut-être même en Europe !
Un écosystème trop fragmenté mais très entrepreneurial
Depuis plusieurs années, bon nombre de nouveaux outils et moteurs de l’écosystème de l’innovation sont le fait de petites et moyennes entreprises, voire de très petites comme les startups et les spin-offs. Ce mouvement est vertueux : on a affaire à une nouvelle génération d’entrepreneurs proposant d’autres approches de l’innovation ; ce sont des acteurs proches du marché et disposant de modèles d’innovation ouverts ; ces entreprises créent de la richesse économique et sociale et sont au cœur des écosystèmes et des politiques.
Notre taux de croissance de l’investissement en R&D a progressé de plus de 10 % dans nos grandes entreprises.
Néanmoins, malgré des progrès encourageants, cet écosystème reste encore trop fragmenté, singulièrement en Wallonie, tant ces acteurs fonctionnent souvent dans des tailles sous-critiques. La concentration et le rapprochement de ces acteurs – notamment via des plateformes collaboratives regroupant par exemple cellules de transferts de technologies, parcs scientifiques, incubateurs et accélérateurs et agences de développement – n’a pas encore vraiment déployé tous ses effets.
Renforcer les collaborations
Sans doute que des alliances au seul niveau régional ne permettent pas d’atteindre un niveau de ressource critique suffisant, ni de générer des impacts plus ambitieux.
Pour aller de l’avant, il faut décloisonner davantage et poursuivre les collaborations entre tous les acteurs issus de la recherche publique, de la recherche industrielle, de l’univers de l’entrepreneuriat, du capital-risque, du conseil aux entreprises, du développement économique et de l’innovation sous toutes ses formes, y compris sociale.
C’est ainsi que l’on peut donner toute leur puissance aux écosystèmes. Et tout cela doit se faire aussi – et bien évidemment – au niveau européen et au-delà. On peut rêver. Il faut rêver.