L’industrie technologique est aujourd’hui entrée de plain-pied dans l’ère du numérique pour soutenir l’innovation. Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie, la fédération des entreprises de l’industrie technologique, se penche sur les initiatives mises en œuvre pour assurer son développement.
Texte : Philippe Van Lil
Dans l’industrie technologique, comment la Wallonie se positionne-t-elle sur le plan de l’innovation ?
« Elle est sur de bons rails, même si elle n’est pas encore arrivée à destination. Depuis une dizaine d’années, entreprises et pouvoirs publics ont massivement investi dans le soutien à l’innovation, notamment via les pôles de compétitivité, en particulier MecaTech pour le génie mécanique et Skywin pour l’aéronautique. »
« A eux seuls, ces deux derniers représentent la moitié de l’investissement de l’ensemble des pôles de compétitivité. Aujourd’hui, dans les secteurs d’Agoria, 5 % des emplois sont directement liés à la recherche et au développement. »
Quelle est l’approche d’Agoria Wallonie en matière d’innovation ?
« Depuis 2010, elle est quelque peu en rupture avec ce qui se faisait auparavant, où l’on se concentrait principalement sur la recherche et le développement des produits. »
« Aujourd’hui, afin que nous soyons concurrentiels, notre approche de l’innovation suit trois axes : les produits, les processus et les business models. En toile de fond de ces axes, le numérique occupe une place de choix. »
Notre approche de l’innovation suit trois axes : les produits, les processus et les business models. Avec le numérique en toile de fond.
« C’est notamment le cas pour la construction d’une automobile, dont le tableau de bord est entièrement numérisé en vue fournir la bonne information au bon moment, par exemple celles qui concernent déplacements, à la sécurité et aux divertissements. »
En quoi l’attention aux processus est-elle importante ?
« Ici, le but pour les entreprises est d’aller vers des processus plus modernes, plus optimalisés. Le but est d’être compétitif dans un pays où les coûts salariaux sont parmi les plus élevés. Particulièrement marqué dans l’industrie manufacturière, cet aspect a été poussé par le programme Factories of the Future et repris par le programme Made Different Digital Wallonia. »
« En mars 2018, ce programme a identifié sept entreprises manufacturières « ambassadrices » : elles ont atteint un niveau de maturité élevé dans l’une des transformations conduisant à l’industrie 4.0 et font figure d’inspiration pour d’autres PME wallonnes. Jusqu’à présent, vingt entreprises ont été élues « Factories of the Future » ; de 2012 à 2016, elles ont augmenté leur emploi de 13 % et investi 561 millions d’euros. »
Qu’entend-on par « industrie 4.0 » ?
« Il s’agit de la quatrième révolution industrielle que constitue le numérique, via entre autres l’internet des objets, l’intelligence artificielle, le big bata, le cloud et la personnalisation des produits. »
« Ces tendances technologiques bouleversent profondément les méthodes de production et l’organisation des ressources humaines, mais transforment aussi la nature même des produits, des business models et des relations entre les entreprises. »
Dans ce contexte, comment voyez-vous l’évolution des relations entre les acteurs du marché ?
« On sort d’une relation fournisseur-client pour entrer dans une relation plus axée sur la complémentarité et le partenariat. Les entreprises sont donc invitées à s’interroger sur leur véritable corps de métier : là où, faute de compétences, elles ne peuvent créer de la valeur – par exemple en matière de technologie ou de brevet -, elles peuvent s’appuyer sur d’autres acteurs pour créer une chaîne de valeur. »
« A cette fin, Agoria Wallonie a notamment pour mission de faciliter la mise en réseau d’entreprises au sud du pays, notamment via les pôles de compétitivité. »
Quels autres leviers actionnez-vous pour favoriser la création de valeur?
« Dès 2014, Agoria a énormément insisté pour voir figurer conjointement l’industrie et le numérique dans l’agenda gouvernemental. La suite logique a été la mise en place d’un Conseil du numérique et d’un Conseil de l’industrie. Ceux-ci reprennent les différentes priorités et chantiers sur lesquels il faut être actif pour conduire la Wallonie vers la création de valeur. »
Depuis une dizaine d’années, entreprises et pouvoirs publics ont massivement investi dans le soutien à l’innovation.
« Mais l’important est non seulement de disposer de plans mais surtout de les appliquer en actions concrètes. Aussi, ces conseils sont désormais constitués en compositions restreintes. »
« L’objectif est d’assurer la surveillance de l’application des mesures préconisées et de remettre les avis utiles au ministre en charge de l’Industrie et du Numérique. »
« En Wallonie, une autre action soutenue par l’industrie technologique est le projet de démonstrateur de l’industrie 4.0, à côté de ce celui qui sera développé pour la construction 4.0. Le but est de fournir, grandeur nature, une simulation de ce que peut être l’usine du futur à partir d’une infrastructure la plus proche possible des meilleurs standards. »