Face aux défis du monde agricole, le secteur industriel propose des solutions tenant compte de l’évolution des besoins des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement. Entretien avec Sylvain Moissonnier, Country Division Head Benelux Crop Science pour Bayer.
Texte : Olivier Clinckart
Sylvain Moissonnier
Country Division Head Benelux Crop Science
Bayer
Comment votre compagnie s’est-elle adaptée à ces évolutions ?
Sylvain Moissonnier : « Ces dernières années, Bayer s’est recentrée sur les sciences de la vie : les produits pharmaceutiques et les solutions pour le secteur agricole. Parallèlement à nos solutions de produits phytosanitaires, nous proposons également des produits biologiques et des semences spécialisées par cultures : semences de maïs ou de colza, cultures légumières… »
Un autre pôle de développement concerne la digitalisation de l’agriculture ?
S. M. : « C’est la prochaine révolution du monde agricole. Notre plateforme Climate Fieldview – déjà développée aux États-Unis et dans les principaux pays européens – permet aux agriculteurs de visualiser le niveau de rendement de leur parcelle au mètre carré. L’agriculteur peut définir ensuite comment optimiser ce rendement et ses coûts en fonction de la qualité de son sol et du niveau de rendement obtenu à certains emplacements précis de sa parcelle. Cette approche optimisée est également bénéfique pour l’environnement. »
Le biocontrôle constitue également un axe de développement ?
S. M. : « Absolument, mais cet ensemble de solutions, qui permettent de protéger les cultures grâce à des mécanismes naturels, ne peuvent pas remplacer complètement les produits phytosanitaires classiques. L’objectif est d’associer ces deux types de produits pour, tout en maintenant la protection optimale de la culture, réduire le niveau de résidus qui peuvent se trouver dans les produits finaux. »
Les pesticides restent donc indispensables pour le bon rendement des récoltes?
S. M. : « D’ici à 2050, la Terre devrait compter 2 milliards d’êtres humains supplémentaires. L’accroissement de la population et la nécessaire conservation de l’environnement entraînent une pression sur les terres agricoles, de par l’augmentation des zones urbaines. Dès lors, l’usage de produits phytosanitaires, qui servent à protéger les récoltes, prend tout son sens. Les deux questions majeures sont donc : comment produire plus sur des surfaces agricoles en diminution ? Et comment produire mieux, en consommant le moins de ressources possibles et développer une agriculture innovante et la plus respectueuse possible de l’environnement ? »
Ce constat s’observe déjà aujourd’hui ?
S. M. : « En effet. Avec la succession d’épisodes pluvieux et de périodes chaudes en été, il s’avère indispensable, par exemple, de pouvoir protéger les cultures de pommes de terre – importantes en Belgique – avec des fongicides. On voit donc ici tout l’enjeu, tant macro-économique que micro-économique. »
L’approche scientifique et l’approche politique sont-elles complémentaires ou contradictoires ?
S. M : « On peut regretter un décalage entre, d’une part, une approche scientifique des dossiers d’homologation évalués par des experts indépendants et d’autre part, une approche politique où certains élus prennent des décisions contradictoires. Ce décalage crée parfois une zone floue dommageable aux industriels qui investissent des budgets considérables pour des produits qui se retrouvent interdits sans aucune raison et sans alternative proposée. Les agriculteurs pâtissent aussi de ces aberrations. Toute décision devrait être pesée en termes d’alternatives viables pour eux. »
Comment voyez-vous l’évolution du secteur agricole ?
S. M : « L’évolution technologique en cours est très prometteuse. Par contre, les agriculteurs sont inquiets quant au nombre de solutions qui vont rester homologuées en Europe, notamment en termes de protection des cultures. Cela place le secteur sous pression par rapport à la concurrence des pays en-dehors de l’Europe. Les enjeux du Green Deal sont nobles et nous soutenons pleinement ses objectifs, mais il faut garder à l’esprit que nous devons rester auto-suffisants. Et donc, donner la chance à nos agriculteurs de pouvoir produire en Belgique. La crise du Covid, qui a fait peser un risque de schémas alimentaires perturbés, en a d’autant plus démontré l’importance. »