Comment notre pays gère-t-il une ressource naturelle essentielle à la vie? Comment garantir son accessibilité tout en assurant sa durabilité? Réponse avec Eric Van Sevenant, président du comité de direction de la société wallonne des eaux.
Texte : Laura Swysen – Photos : Kris Van Exel
En tant que ressource naturelle, l’eau se doit d’être accessible à tous. Comment maintenez-vous cette accessibilité ?
« La Société wallonne des eaux est une entreprise publique autonome régie par un décret du Parlement wallon. Nous assurons l’accessibilité financière de l’eau en la maintenant à un prix raisonnable. Nous proposons un grand nombre de services allant du renouvellement et l’entretien des infrastructures à la vérification des normes sanitaires. En tant que gestionnaire d’une ressource naturelle, on se doit d’être le plus efficace possible. »
Comment évaluez-vous son prix ?
« Nous calculons l’ensemble des coûts d’exploitation, de gestion et de distribution de l’eau. Nous entretenons 260 sites de captage, 1354 sites de stockage ainsi que 40 000 kilomètres de conduite. Nous ajoutons aussi le coût des équipements, l’énergie et le salaire du personnel. La somme obtenue est divisée en fonction du volume d’eau vendu. »
Notre consommation publie d’eau est en-dessous de la moyenne européenne, notamment parce que des alternatives sont développées.
Le Belge est-il un grand consommateur d’eau?
« Le Belge est en-dessous des moyennes européennes. Plusieurs raisons expliquent cette consommation modérée : notre climat est tempéré et nous avons développé des alternatives comme les citernes, par exemple. La popularité de ces ressources alternatives influencent grandement la consommation publique. »
Les sources wallonnes suffisent-elles à répondre au besoin des consommateurs ?
« Oui, car la Wallonie est une région riche en eau. Malheureusement elle n’est pas répartie de manière équitable sur tout le territoire : l’est du pays et le centre des Ardennes bénéficient de moins de nappes phréatiques exploitables. C’est pourquoi nous avons installé des infrastructures comme les barrages d’Eupen ou celui de la Gileppe. Nous avons aussi développé l’exploitation des eaux d’exhaure des carrières afin d’éviter le gaspillage. Celle-ci exige plus de traitements avant d’être consommée. »
La distribution publique représente-elle la majeure partie des prélèvements ?
« La distribution publique concerne 380 millions de m³ d’eau par an (230 millions sont consommés en Wallonie et les 150 autres alimentent la Flandre et Bruxelles), alors que l’ensemble des prélèvements est estimé à 2 milliards. Le plus grand consommateur brut, c’est la centrale de Tihange qui prélève chaque année un milliard de m³ dans la Meuse afin de refroidir les réacteurs, mais cette eau est ensuite rejetée. De manière générale, à l’exception de Tihange, l’impact industriel sur la consommation d’eau reste raisonnable. De nombreuses entreprises réduisent leur consommation en mettant en place un processus de traitement qui permet de recycler l’eau en interne. »
L’eau est une denrée menacée par le changement climatique. La Belgique doit-elle s’inquiéter ?
«Notre pays est riche en eau, nous ne devons pas avoir de crainte à ce niveau. Mais il faut garder en tête que le climat peut modifier nos comportements. Lorsque la sécheresse perdure et les citernes sont vides, nous constatons une plus grande demande. Celle-ci est accrue par le boom des piscines ou l’arrosage intensif. Notre mission pour le futur est de s’assurer de la disponibilité des sources et de maîtriser l’évolution de la demande. »
De nombreuses entreprises réduisent leur consommation grâce à un processus de traitement qui permet de recycler l’eau en interne.
Comment assurer la durabilité de l’eau ?
« Nous analysons constamment l’exploitation des sources et le cycle des nappes phréatiques. La protection des sources se fait à la fois sur le plan qualitatif (veiller à ce qu’elles ne soient pas polluées) mais aussi quantitatif (ne pas les surexploiter au risque de provoquer des effondrements et de perturber la biodiversité). »
« Nous investissons chaque année des millions d’euros (300 millions en 2019) afin de sécuriser l’ensemble du territoire et éviter un éventuel stress hydraulique. Notre entreprise s’inscrit aussi dans une démarche éco-responsable puisque nous avons décidé de réduire notre consommation d’énergie de 15 % et notre empreinte carbone de 22 %. Il n’en peut pas être autrement lorsque vous gérez une ressource naturelle essentielle à la vie. »