L’agriculture intensive moderne nous nourrit, mais elle détruit aussi notre environnement et menace notre santé. Un véritable changement de paradigme s’impose quant à l’usage des intrants chimiques. Entretien avec Vincent Vandamme et Maxence Semacoy Albertini, Cofondateurs d’Agricells, spécialisée dans la biotechnologie axée sur l’agriculture durable.
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Toxique pour l’environnement, toxique pour l’homme
L’industrie agroalimentaire fait grand usage d’intrants chimiques pour améliorer sa productivité et nous offrir l’accès à des denrées alimentaires à moindre coût. Malheureusement, l’épandage de ces substances aboutit aussi à l’apparition de produits de dégradation dans les sols, qui s’éliminent difficilement, voire pas du tout. « La toxicité de ces produits est également avérée pour l’homme, les insectes, les batraciens… », s’inquiète Vincent Vandamme.
Développer des alternatives durables est donc impératif pour réduire l’écotoxicité des pratiques agricoles contemporaines. Dans le même temps, il s’agit de garantir des rendements suffisants à des coûts abordables pour l’agriculteur. « C’est pour répondre à ce double défi qu’est né le projet Agricells », souligne Maxence Semacoy Albertini. « L’utilisation de produits biologiques, tels que des micro-organismes ou certains types de protéines, suscite un immense espoir en ce domaine. Ces différents types de ‘produits biologiques’ font en effet déjà partie intégrante des sols ou s’y dégradent naturellement. Ils sont en outre économiquement abordables pour les agriculteurs, ce qui est une priorité pour nous. »
Une success story wallonne
Comme le détaille Vincent Vandamme, Agricells propose deux types de produits : « D’une part, des biostimulants, destinés à promouvoir la croissance des plantes ; d’autre part, des produits de biocontrôle, dont le but est de réguler la présence des insectes, des herbes et des moisissures. »
La start-up verte rencontre d’ores et déjà de beaux succès. Ainsi, un contrat de distribution est en cours de finalisation avec la SCAM, la plus grande coopérative de traitement de semences en Wallonie. « Il s’agit d’un bel exemple d’économie circulaire, pour lequel nous avons pu bénéficier de subventions de la part de la Région wallonne », précise Maxence Semacoy Albertini.
Ce savoir-faire belge s’exporte également au-delà de nos frontières. L’entreprise a déjà reçu plus de dix homologations en Europe et s’apprête à signer des contrats en Ukraine et en Afrique du Sud. « On ne va pas s’arrêter là ! A moyen terme, nous voulons aussi nous implanter en Amérique du Nord et du Sud. Pour l’Asie, on verra plus tard. »
L’agriculture de demain repose sur l’innovation durable : vers des solutions biologiques pour un futur respectueux de l’environnement.
Une solution nécessairement politique
On peut se demander pourquoi plus d’initiatives autour de l’agriculture durable n’ont pas émané des grosses multinationales déjà bien installées dans le domaine. Vincent Vandamme estime que « c’est tout simplement parce qu’elles n’avaient, jusqu’ici, aucune raison de le faire. Ces firmes, tournées vers le chimique, vendaient des produits efficaces et bon marché qui répondaient aux attentes de leurs clients. Il n’y avait donc pas d’intérêt économique à investir plus massivement dans la recherche fondamentale pour trouver des solutions alternatives tel que nous le faisons. »
Toutefois, la donne a changé. Aujourd’hui, il y a une volonté politique à l’échelle européenne pour inverser la tendance. « Certes, en Europe, obtenir les autorisations pour mettre sur le marché un produit biologique de biocontrôle innovant (biopesticide) demeure encore un processus plus complexe et plus long que pour un produit chimique classique. Néanmoins, nous sommes à un momentum pour développer et utiliser à grande échelle des substances plus respectueuses de l’environnement. »
« Agricells est sur le point de signer des accords avec de grands groupes internationaux pour qu’ils distribuent nos produits. Poussés par la société civile et les nouvelles réglementations européennes qui interdisent peu à peu l’usage des produits conventionnels, ils sont conscients de la nécessité de développer une nouvelle offre de biosolutions. Agricells est fier de soutenir cette transition écologique », conclut Maxence Semacoy Albertini.