A la demande du Gouvernement Wallon, Wagralim avec Emmanuel Vanzeveren, comme codirecteur, a entrepris l’élaboration d’une Roadmap du système alimentaire Wallon à l’horizon 2035 afin de garantir la résilience, la souveraineté et la création de valeur de ce secteur.
Emmanuel Vanzeveren
Codirecteur Wagralim
Ce chantier a réuni des experts de l’ensemble de l’écosystème. L’idée n’est pas de définir un futur souhaitable mais de considérer différents scénarios probables auxquels notre territoire pourrait être confronté. Ensuite, à travers ces projections, définir les actions à programmer pour assurer la durabilité du secteur.
Un diagnostic préalable
Le secteur est en croissance. En Wallonie, 95 % des entreprises alimentaires sont des PME de moins de 50 personnes ; 60% comptent moins de 10 employés. Ces petites structures sont agiles et souvent moteurs de croissance. Soulignons que l’activité manufacturière ou industrielle est structurante autrement dit nécessaire à la création d’emploi et de valeur.
Dans un monde rythmé par des changements brutaux, la souveraineté alimentaire est stratégique. Il convient donc de repenser le secteur pour plus de robustesse. Quel que soit les scénarios envisagés, le dérèglement climatique va affecter la production alimentaire mondiale et notre région n’y fera pas exception.
L’innovation n’est pas seulement une question de nouvelles idées, mais d’oser transformer ces idées en solutions qui façonnent l’avenir.
Une projection à moyen terme permet d’imaginer jouer « le coup d’après » autrement dit de construire une stratégie capitalisant les forces et développant de nouvelles opportunités plutôt que de copier nos voisins et dès lors se lancer dans une vaine compétition.
L’innovation, la création de nouvelles chaines de valeur et de nouvelles compétences s’inscrivent dans un temps long. Il est dès lors nécessaire d’anticiper. Il est aussi à souligner que l’industrie alimentaire en Wallonie dispose encore d’un potentiel de développement si l’on compare nos résultats à ceux de nos voisins.
La Wallonie, c’est 750.000 ha de surface agricole. Ce précieux atout doit être préservé et utilisé avec discernement. Il est nécessaire d’articuler production primaire et transformation pour plus de valorisation et de développer les filières de manière cohérente. La surface agricole doit être réservée prioritairement à la production alimentaire en tenant compte de la concurrence avec la production de matériaux biosourcés et pour la production de biomasse énergétique.
Chiffres
En 2022, l’industrie alimentaire représente :
10,5 MILLIARDS € de chiffre d’affaires soit le plus grand secteur industriel de Wallonie (20,2% du chiffre d’affaires total)
dont 6 MILLIARDS € en exportation
499 MILLIONS € d’investissements soit ¼ des investissements industriels totaux
25 298 EMPLOIS DIRECTS soit le plus gros employeur industriel de Wallonie (1 emploi sur 5) La production primaire :
22.000 PERSONNES (main d’œuvre régulière) + 4.500 PERSONNES (main d’œuvre saisonnière)
1.9 MILLIARDS de chiffre d’affaires
Quatre axes stratégiques pour l’avenir
1. Renforcer la résilience des secteurs emblématiques
L’un des axes majeurs de la roadmap consiste à renforcer la résilience des secteurs emblématiques. Parmi ceux-ci, on retrouve la transformation de la pomme de terre, la production de produits de boulangerie-pâtisserie, les biscuits et le chocolat. Ces secteurs représentent près de la moitié des emplois salariés dans l’industrie alimentaire. Le défi consiste à les rendre plus résilients face aux aléas climatiques et géopolitiques, notamment concernant l’approvisionnement et la gestion des exportations. Les entreprises devront innover dans leurs business model, process et outils pour réagir avec agilité face aux aléas. Ces entreprises seront de plus en plus questionnées sur la durabilité de leurs activités.
2. Préparer les PME aux défis de demain
Une autre priorité est de préparer les PME à faire face aux crises. Tout en étant agiles et dynamiques, elles manquent trop souvent de capacité à anticiper. Même si elles sont petites, elles agissent dans un marché ouvert et compétitif. Elles doivent donc innover sans cesse pour disposer d’outils efficients et de process sobres en énergie. La crise énergétique de 2021 a montré que le secteur est sensible au coût de l’énergie, mais que les entreprises les plus petites et les moins innovantes sont mal préparées à faire face à la flambée des prix de l’énergie problème accru par un capacité financière limitée.
Préparer les PME passe par la mise à disposition d’outils adaptés à leur taille et un soutien à l’innovation, non limitée à la technologie, via des outils spécifiques et accessibles.
3. Repenser les filières alimentaires de demain
L’analyse a montré qu’il est nécessaire de repenser les filières agricoles en continuité avec la transformation pour plus de création de valeur.
Cette réflexion doit intégrer une évolution une dérégulation du climat.
Il faut intégrer une consommation croissante de protéine végétale et par conséquent une évolution et une production animale tout en considérant les deux voies comme interdépendantes. Aujourd’hui la culture de protéagineux reste marginale en Wallonie.
La résilience ne consiste pas seulement à survivre aux épreuves, mais à les utiliser comme tremplin pour grandir, évoluer et construire un futur plus fort.
4. Développer les biotechnologies au service de l’innovation agroalimentaire
Enfin, les biotechnologies représentent un levier stratégique pour soutenir l’innovation dans le secteur agroalimentaire. La Wallonie dispose de compétences scientifiques et technologiques de pointe, notamment dans les universités et les entreprises. Ces compétences peuvent être mises à profit pour développer des solutions innovantes, basées sur des processus durables et respectueux de l’environnement. En activant ce potentiel, la Wallonie pourrait non seulement se positionner comme un leader dans le secteur de l’innovation agroalimentaire mais aussi contribuer à l’émergence d’une économie décarbonée, inspirée par la nature.
Conclusion : Vers un avenir résilient et durable
L’étude prospective annonce des bouleversements significatifs du secteur. Une approche holistique et concertée focalisée sur les quatre axes de la roadmap, permettra d’atteindre les objectifs de résilience, de souveraineté et de création de valeur pour autant que cette mutation soit anticipée et que les moyens soient concentrés.